ŒCUMÉNISME

ŒCUMÉNISME
ŒCUMÉNISME

Marqué à son origine d’une visée planétaire, le mot «œcuménisme» a pris depuis le début du XXe siècle une signification plus étroite: il désigne les efforts divers, parfois institutionnellement structurés, pour redonner à la famille chrétienne divisée une unité profonde et visible, conforme à l’enseignement de Jésus. Selon le témoignage apostolique, ce dernier a voulu que la communion des chrétiens fût dans le monde un signe parlant de la réconciliation universelle accomplie par lui. Voyant comme s’aiment les chrétiens, les non-chrétiens devraient parvenir à la foi et se joindre à l’Église, figure du monde nouveau régi par le service, la justice et la paix annoncés et vécus par le Christ.

À l’origine, des tendances et options diverses coexistaient, dans une féconde tension, à l’intérieur des premières communautés. Ce n’est qu’au Ve et, surtout, au XIe et au XVIe siècle qu’elles se durcirent et provoquèrent des ruptures jusqu’à ce jour non surmontées. La vision et l’action œcuméniques expriment une tentative prophétique pour retrouver non seulement ce qui était aux débuts du christianisme, mais encore, et surtout, pour préfigurer ce que devrait être «la fin de l’aventure humaine».

Il est certain, toutefois, que, face aux défis radicaux qu’adressent aux différentes Églises l’athéisme militant, la sécularisation et le matérialisme des civilisations de la productivité et de la consommation, l’œcuménisme a pris souvent le visage d’une entreprise de conservation du patrimoine chrétien: à partir du moment où les adversaires se font plus virulents, il peut paraître avantageux de taire les oppositions historiques et de considérer que «ce qui unit est plus important que ce qui a divisé»; d’apostolique, l’œcuménisme est ainsi conduit à devenir défensif. Cela – et la prise de conscience croissante des tâches publiques des Églises – a donné naissance dans la seconde moitié du XXe siècle à un œcuménisme «séculier» ou parfois même «sauvage» qui, contestant les lenteurs et pesanteurs des christianismes officiels, vit et confesse la foi évangélique, en étroite solidarité avec les luttes pour l’avenir de l’humanité.

1. La visée originelle

Les mots «œcuménisme» et «œcuménique» sont absents du vocabulaire biblique. En revanche, 礼晴礼猪﨎益兀 (du verbe 礼晴﨎晴益, habiter) s’y rencontre assez souvent. L’«œcouménè», l’«œcuménie» (mot dont les équivalents sont couramment employés en allemand et en anglais), c’est la terre habitée, le monde entier, l’univers où les hommes ont élu domicile, par opposition au désert, la terre inhabitée et stérile, celle où l’homme, lorsqu’il s’y aventure, est confronté avec l’essentiel c’est-à-dire avec l’idéal qu’il s’est proposé ou avec la vocation que lui adresse le Dieu vivant. Il est frappant de constater que l’auteur inconnu de l’Épître aux Hébreux (II, 5) parle de l’«œcuménie à venir», marquant bien, par là, que l’espérance chrétienne n’est pas celle d’un monde spirituel désincarné, mais celle de ce monde habité réconcilié avec son Créateur et récapitulé sous l’autorité de l’amour libérateur du Christ. Ainsi, dans la mesure même où l’espérance eschatologique embrasse le cosmos dans sa totalité, l’«œcuménisme» concerne la totalité du réel créé.

Étymologiquement, l’œcuménisme concerne donc beaucoup plus l’universalité de l’existence et de l’apostolat de l’Église que son unité. L’unité de l’Église n’est significative et nécessaire qu’en fonction de l’universalité de sa mission: communiquer l’Évangile à l’ensemble de l’univers habité. Ainsi, dans son discours eschatologique (Matth. XXIV, 14), le Christ décrit la tâche de ses disciples: «Cette bonne nouvelle du royaume sera prêchée dans le monde entier [ 礼晴礼羽猪﨎益兀] pour servir de témoignage à toutes les nations. Alors viendra la fin.» Cela définit clairement le rapport et les relations entre l’Église et le monde, dans le temps qui sépare la première venue du Christ et l’accomplissement de l’histoire: la communauté chrétienne, bien que minoritaire parmi les nations, est dépositaire d’un message à prétentions universelles; l’Évangile est, pour tout homme, quelle que soient sa race, sa classe ou sa langue, la bonne nouvelle qui annonce le Royaume, société eschatologique où seront manifestées les valeurs d’ores et déjà éternelles: la justice et l’amour, la liberté et la paix pour toujours enracinées dans le monde par le service et le sacrifice du Christ. Ainsi, comme l’Évangile qu’elle annonce et «re-présente», l’Église est universelle, car rien dans le monde n’échappera au Royaume: dans le temps et l’espace, dans son refus de toute exclusive et de tout privilège, elle manifeste que l’humanité va vers la réconciliation cosmique, dans laquelle le sens de l’histoire et la vérité de chaque homme apparaîtront enfin.

C’est dans cette perspective seulement que le problème de l’unité de l’Église est correctement posé: l’unité est le corollaire, le nécessaire support de l’œcuménicité, son indispensable instrument . Dans la «prière sacerdotale», à la veille de sa mort, Jésus, selon le quatrième Évangile, prie pour que ses disciples «soient un [...] afin que le monde [ 礼靖猪礼﨟] croie...» (Jean, XVII, 21). Il ne saurait donc y avoir plusieurs Églises œcuméniques: par définition, l’Église est une ; c’est un fait constitutif de son être, tout entier ordonné à sa mission.

À l’origine, dans le Nouveau Testament et tout au long des premiers siècle de l’«ère chrétienne», la conscience de cette réalité fondamentale s’impose avant toute autre chose; là où des tensions se manifestent, les apôtres et leurs successeurs formulent des exhortations catégoriques: «Menez une vie digne de l’appel que vous avez reçu: en toute humilité, douceur et patience, supportez-vous les uns les autres avec amour; appliquez-vous à conserver l’unité de l’Esprit par ce lien qu’est la paix. Il n’y a qu’un corps et qu’un Esprit, comme il n’y a qu’une espérance au terme de l’appel que vous avez reçu; un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême; un seul Dieu et Père de tous, qui est au-dessus de tous, par tous et en tous» (Éph., IV, 1-6). Comme l’œcuménicité, l’unité de l’Église est partie intégrante de la foi, donc de l’obéissance et de la vigilance chrétiennes: cela explique qu’en raison même de la prétention universelle de son message, l’unité de l’Église ait été, dès le départ, compatible avec un pluralisme de doctrines et de structures, à l’intérieur d’une communion dont le ministère apostolique est le garant. Certes, au cours des premiers siècles, les différentes Églises reconnaissent d’un commun accord une même norme pour la foi: le canon des Écritures, qui se constitue petit à petit et n’est guère fixé avant la fin du IVe siècle; mais, au sein même de l’unique référence qu’il offre, le canon comporte une diversité significative d’orientations doctrinales, dans une même convergence vers la personne centrale du Christ: c’est que, en fonction même de sa vocation œcuménique, l’Église se doit constamment de traduire l’Évangile de nouveau et d’en inventer autant d’interprétations originales qu’il y a de milieux culturels dans lesquels il doit être rendu intelligible. Le risque herméneutique est inséparable de la visée apostolique universelle qui caractérise le témoignage chrétien. Mais l’unité essentielle n’est pas mise en cause tant que la volonté d’être présent aux hommes les plus divers reste enracinée dans la communion au Christ ressuscité, Seigneur commun à l’«œcuménie» et à l’Église qui lui est ordonnée.

2. Les ruptures

Il est évident que l’unité, si elle n’implique pas l’uniformité, ne saurait être spirituelle et invisible, pas plus que n’est invisible l’«œcuménie» qui en est la raison d’être.

C’est à partir du moment où l’on perd la perspective apostolique, missionnaire et universelle que les diversités deviennent divergences et les tensions fécondes ruptures stérilisantes: la confession de foi, résumé, à chaque époque et en chaque situation, de la compréhension de l’Évangile par l’Église, au lieu d’être comme le condensé de ce qu’elle a à communiquer, devient comme un signe distinctif d’identité jalousement affirmée et comme l’étiquette distinguant non seulement l’Église du monde, mais encore telle partie de l’Église de telle autre: au lieu de n’être que mission, l’Église se tourne vers elle-même, se définit et s’efforce de distinguer ce qui, en elle, est authentique de ce qui travestit le message originel; la vigilance nécessaire et la fidélité à la Parole deviennent facilement introversion et raideur dogmatique. C’est ainsi que, dès le Ve siècle, se constituent les grandes confessions orientales, séparées du tronc catholique, alors dominé par les Grecs et leurs spéculations sur la personne du Christ: lorsqu’en 451 le concile de Chalcédoine fixe dans une définition très élaborée la «doctrine des deux natures du Christ», on assiste à la constitution, en Églises autonomes, des communautés monophysites ; refusant l’«idole aux deux visages» qu’elle dénoncent dans la formulation conciliaire «un seul Christ en deux natures», elles proclament, avec bon nombre de nuances, l’unicité de nature en la personne du Christ, résultant d’un mélange en lui de la divinité et de l’humanité, et lui reconnaissent une nature théandrique; de ce conflit, qui opposa principalement Alexandrie à Constantinople, sont nées certaines communautés chrétiennes existant encore aujourd’hui, telles l’Église orthodoxe copte d’Égypte, l’Église orthodoxe éthiopienne, l’Église apostolique arménienne, l’Église syrienne orthodoxe d’Orient, l’Église syrienne Mar Thoma de Malabar et le patriarcat syrien d’Antioche.

Au XIe siècle se produit, à la suite d’un long conflit entre Constantinople, centre d’un christianisme mystique, contemplatif et poétique, et Rome, capitale d’une chrétienté plus juridique, active et politique, le grand schisme de 1054. Dès lors, on distinguera une Église d’Occident, dont le chef spirituel, le pape, évêque de Rome, conserve la prétention de rassembler tous les chrétiens sous son autorité, et les quatre patriarcats orientaux de Constantinople, Alexandrie, Antioche et Jérusalem qui ont répondu à l’excommunication papale par un anathème et auxquels se joindront au cours des siècles, et spécialement après la prise de Constantinople par les Turcs en 1453, le patriarcat «autocéphale» de Moscou, faisant de plus en plus figure de «troisième Rome», et ceux de Bucarest, Sofia et Belgrade. À l’intérieur de ces deux familles rivales, très proches doctrinalement, mais fort éloignées par la tradition, le tempérament et la compréhension de leur mission dans le monde, des divisions mineures se produisent: celle des «vieux croyants» dans la Russie du XVIIe siècle, celle des «vieux catholiques» dans l’Église occidentale du XVIIIe; les premiers s’opposent à une modernisation de la liturgie, dont l’adaptation linguistique à des temps nouveaux était devenue indispensable; les autres refusent, dès le début du XVIIIe siècle en Hollande, puis en 1871, après les formulations dogmatiques du premier concile du Vatican, en Allemagne et en Suisse, de reconnaître l’infaillibilité papale.

Dès le XVe siècle, après la répression, au XIIe siècle, des cathares et des vaudois en France et celle, au XIVe siècle, des lollards, héritiers de Wiclif, l’unité de l’Église occidentale éclate: successivement Jan Hus en Bohême au début du XVe siècle, Martin Luther en Allemagne et Jean Calvin en France au début du XVIe siècle, donnent naissance aux premières communautés protestantes.

La Réforme se caractérise par une volonté radicale de retour aux sources scripturaires et par un refus non seulement des développements doctrinaux de la tradition romaine, mais encore des structures hiérarchiques du catholicisme. Rejetant tout principe autoritaire, prenant le risque d’une cohésion visible maintenue par la commune référence à la seule Écriture qui est dès lors offerte à la lecture et à la compréhension de tout le peuple, le protestantisme ne tarde pas à se fractionner en une multiplicité de courants parfois concurrents; dès son expulsion par Rome, Luther et sa famille spirituelle ont à faire face, sur leur gauche, au mouvement anabaptiste qui se prolonge jusqu’à l’époque actuelle dans les diverses formes du «christianisme enthousiaste», dont certaines branches pentecôtistet se développent à l’intérieur même du catholicisme. Le calvinisme, lui, engendre, à côté de la branche presbytérienne, constituée en 1560, les Églises baptistes (1612), congrégationnalistes (1619), des Disciples of Christ (1823), darbystes (1827), etc. En Angleterre, c’est la forte personnalité du roi Henri VIII, les péripéties de sa vie conjugale et, par là, ses conflits avec Rome, qui sont à l’origine de l’anglicanisme, lequel garde les formes liturgiques catholiques tout en évoluant doctrinalement dans le sens du protestantisme; il donne naissance, au début du XVIIIe siècle, au méthodisme, un des courants protestants les plus soucieux de la vocation œcuménique de l’Église et, à la fin du XIXe siècle, à l’Armée du salut. Dans ses diverses formes, le piétisme, qui, né en Allemagne à la fin du XVIIe siècle, conduit vers le milieu du XIXe siècle à l’apparition des «Églises libres» dans les pays francophones, fait preuve d’un souci permanent et très intense de l’évangélisation des non-chrétiens: il provoque la création des grandes «sociétés bibliques» (fin du XVIIIe siècle), le développement d’un mouvement de «mission extérieure et intérieure» d’une extraordinaire vitalité (milieu du XVIIIe siècle) et l’essor des «mouvements de jeunesse» (depuis 1850).

C’est la confrontation avec les non-chrétiens rencontrés à travers les activités de ces différents mouvements qui a fait prendre conscience aux chrétiens du scandale de leurs divisions.

3. Le dialogue entre Genève et Rome

L’histoire des ruptures est jalonnée d’une série de tentatives pour rétablir l’unité brisée: les conciles de Lyon (1274) et de Florence (1439) avaient essayé en vain de rapprocher les Églises d’Orient et d’Occident; les réformateurs, tant Calvin que Luther et Bucer, conscients de viser à une catholicité évangélique, souhaitent un Concile qui soit vraiment représentatif de tous et qui renouerait avec la grande tradition des conciles «œcuméniques» des cinq premiers siècles: or, le concile de Trente (1545-1563), s’il marque un retour du catholicisme à une foi et à une spiritualité authentiques, est fondamentalement antiprotestant; au cours du XVIIe siècle, les divisions se cristallisent et quatre grandes «confessions» (catholique, orthodoxe, anglicane et protestante, cette dernière avec un grand nombre de dénominations) se dressent dans une rigidité croissante les unes en face des autres avec tout un arsenal de polémiques et parfois de violences qui creusent de plus en plus les fossés existants. C’est dans l’anglicanisme du XIXe siècle que la préoccupation de l’unité reste la plus vivace (mouvement d’Oxford, conversations de Malines), cependant que les diverses dénominations protestantes se constituent en «alliances mondiales» (luthérienne, réformée, méthodiste, etc.). De leur côté, les mouvements de jeunesse, reprenant le souci de Melanchton, l’adjoint de Luther, entreprennent le dialogue avec les Églises orientales. Enfin, en 1910, les grandes sociétés missionnaires organisent la Conférence missionnaire d’Édimbourg, au cours de laquelle les chrétiens d’Asie et d’Afrique adjurent les vieilles Églises de renoncer à leurs divisions confessionnelles, pour apporter le même Christ aux peuples non encore évangélisés. Dès lors, un mouvement est lancé qui conduit en 1921 à la constitution d’un Conseil international des missions, en 1925 à la première conférence du «christianisme pratique» («Vie et action»), en 1927, à Lausanne, à la première conférence sur les questions doctrinales séparant les Églises («Foi et Constitution»); ces deux conférences sont suivies, en 1937, à Oxford et à Édimbourg, de deux assemblées qui en prolongent le travail à la veille de la Seconde Guerre mondiale et qui recueillent et répercutent de façon frappante le témoignage de «l’Église confessante» allemande. Ces réunions, dans lesquelles les orthodoxes prennent une part très active, décident qu’une conférence se tiendra à Utrecht, en 1938, pour jeter les bases de ce qui sera, après 1945, le Conseil œcuménique des Églises. Aux pionniers des premières années: l’archevêque N. Söderblom, luthérien suédois, l’archevêque orthodoxe Germanos de Grèce et le réformé français W. Monod, succède une nouvelle génération entraînée par le président de la Fédération protestante de France, Marc Boegner, et animée par un Hollandais d’un tempérament et d’une compétence exceptionnels, le Dr W. A. Visser ’t Hooft: c’est l’Assemblée constitutive d’Amsterdam (1948), suivie des conférences générales d’Evanston (1954), de New Delhi (1961) d’Uppsala (1968), Nairobi (1975), Vancouver (1983). Sans autorité ecclésiastique ou canonique, le Conseil œcuménique, qui a son siège à Genève, est un instrument commun que les Églises séparées et souveraines se sont donné en vue du travail à accomplir. Ses décisions, qui n’ont «d’autorité que celle que leur confèrent leurs propres vérité et sagesse», ont une profonde répercussion dans la vie des Églises membres, rassemblées ainsi «en une union fraternelle d’Églises qui confessent Jésus-Christ comme Dieu et Sauveur selon les Écritures et s’efforcent de répondre ensemble à leur commune vocation pour la gloire du seul Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit». Regroupant l’ensemble des Églises non romaines depuis les orthodoxes (et en particulier les Églises des pays socialistes d’Europe, sorties officiellement de leur isolement en 1961) jusqu’à l’extrême gauche des «dénominations» protestantes, le Conseil accueille, depuis l’assemblée d’Amsterdam, de nombreux observateurs catholiques. Représentant plus de trois cents Églises d’une centaine de pays, c’est-à-dire environ quatre cents millions de chrétiens, animant des conseils régionaux et locaux, poursuivant une recherche théologique exigeante et prenant fréquemment position sur les grandes questions sociales et internationales (ainsi le «programme contre le racisme, P.C.R.», action, décidée en 1969, de soutien aux mouvements, chrétiens ou non, luttant en faveur de l’égalité des races et de la libération des peuples de couleur opprimés), il apparaît de plus en plus comme le vis-à-vis normal du Vatican, avec tous les risques de pesanteur institutionnelle que cela comporte. Il a contribué à sortir de leur provincialisme, de leur isolement et de leur suffisance bon nombre de théologiens, de laïcs et de communautés chrétiennes.

Du côté romain, des pionniers, tels l’abbé Portal au XIXe siècle, le cardinal Mercier et l’abbé Couturier au XXe, ont préparé un assouplissement de la position fondamentale selon laquelle, l’Église romaine étant la seule véritable, l’unité n’aurait pu se faire que par le «grand retour», sous l’autorité de l’évêque de Rome, des frères séparés de lui aux différentes époques de l’histoire: dès les origines, avec ou sans autorisation, de nombreux théologiens suivent les travaux du Mouvement de Genève, et en particulier ceux de ses grandes assemblées: partout des revues se créent qui se spécialisent dans les questions œcuméniques: Irenikon chez les bénédictins de Chevetogne en Belgique, Vers l’unité chez les dominicains de Paris, Unitas chez les jésuites de Rome. Sous l’impulsion de l’abbé Couturier, «convaincu que l’unité se fera quand le Christ le voudra et par les moyens qu’il voudra», la «semaine de prière pour l’unité des chrétiens» (18-25 janv.) rencontre dès 1932 un succès croissant, cependant que les meilleurs spécialistes réunis dans la Conférence catholique pour les questions œcuméniques préparent l’avenir. Mais l’événement décisif se produit lorsqu’en 1959, renversant le courant des mises en garde et interdictions pontificales, le pape Jean XXIII convoque le second concile du Vatican auquel participent soixante observateurs officiellement désignés par les Églises ou alliances d’Églises non romaines et étroitement associés aux travaux de l’immense assemblée. La levée mutuelle, dans la ligne du mouvement conciliaire, des anathèmes de 1054 ouvre une ère de relations nouvelles avec les Églises orientales. Le décret sur l’œcuménisme et la déclaration sur la liberté religieuse adoptés par le concile créent un climat nouveau dans les rapports avec l’ensemble des Églises non catholiques: Rome ne s’efforce plus désormais de promouvoir un œcuménisme catholique, mais invite les catholiques à participer avec d’autres au mouvement œcuménique. Le Secrétariat pour l’unité des chrétiens, animé successivement par les cardinaux Bea et Willebrands, est chargé de favoriser les contacts et les recherches avec toutes les autres communautés chrétiennes. Sur la suggestion du Conseil œcuménique, un groupe mixte de travail de quatorze membres est créé pour examiner les possibilités offertes par la situation présente et approfondir le dialogue sur les plans théologique et spirituel. Depuis lors, la collaboration s’étend et s’intensifie dans tous les domaines.

Il est capital de souligner qu’elle a été rendue possible et nécessaire par le grand mouvement de renouveau biblique qui s’est profondément développé dans toutes les Églises. Si, déjà en 1676, l’oratorien Richard Simon et, en 1866, la Société nationale pour la publication des livres saints en langue française avaient prophétiquement déclaré qu’il n’y aurait de rapprochement que dans une commune redécouverte du message chrétien originel, cela est aujourd’hui devenu réalité: par milliers, les exégètes des diverses confessions collaborent à la traduction, à la publication et à la diffusion œcuméniques de plusieurs centaines de versions nouvelles de la Bible (en France, achèvement en 1975 de la traduction œcuménique de la Bible-T.O.B.).

4. L’œcuménisme des catholiques

Né en milieu protestant et anglican, dans les années vingt, du double désir de donner une réponse cohérente aux maux de l’humanité (guerre, injustice sociale, etc.) et de rechercher l’union des disciples de Jésus-Christ afin que le monde croie, le mouvement œcuménique a eu des répercussions dans l’Église catholique: le 21 novembre 1964, la promulgation du décret conciliaire Unitatis redintegratio marquait l’entrée officielle de l’Église romaine en œcuménisme.

Bien que, sur un terrain aussi mouvant, tout bilan risque forcément d’être partiel ou partial, on peut commencer par reconnaître un résultat positif, massivement évident: la généralisation de la mentalité œcuménique parmi les catholiques. Encore suspects sous Pie XII, les spécialistes de cette cause au sein de l’Église romaine ont conquis les leviers de commande et retourné la situation à leur profit. Exceptionnel à la fin des années cinquante, le dialogue est aujourd’hui la règle; et c’est l’anti-œcuménisme avoué qui fait figure d’anomalie.

Pour un nombre croissant de fidèles, l’unité est d’abord devenue un rendez-vous annuel, celui de la semaine de prière qui se déroule du 18 au 25 janvier. Puis le mouvement a débordé le petit créneau qui lui était imparti et il a envahi le champ religieux tout entier. Des chrétiens séparés ne se contentent plus, en effet, de prier à intervalle fixe pour la résorption de leurs différends, mais ils prétendent agir ensemble, tant sur la société où ils vivent («œcuménisme pratique», «séculier») que sur leurs Églises respectives («pastorale œcuménique»). Il en découle une foule de microréalisations, de micromutations qui expliquent une bonne part du changement de climat.

Théologiens et pasteurs ne sont pas demeurés en reste. Sous la houlette successive des cardinaux Bea et Willebrands, le Secrétariat romain pour l’unité et ses relais nationaux ont engagé une série de conversations approfondies avec les diverses confessions non catholiques et avec le Conseil œcuménique des Églises. Plusieurs de ces cellules de travail, officielles ou privées, ont produit des constats d’accord sur des sujets aussi importants que l’eucharistie et les ministères (groupe des Dombes et commission anglo-romaine, entre autres).

Quant aux autorités, elles ont développé à tous les niveaux une politique de bonnes relations publiques. C’est même l’un des acquis les plus nets de la décennie 1960-1970 que la concertation systématique entre responsables par le biais d’échanges, d’invitations et de voyages mutuels. Avec le sens aigu du symbole qui le caractérisait, Paul VI a multiplié les gestes d’apaisement au sommet. En direction de l’Orient surtout: levée simultanée, en 1965, des excommunications entre Rome et Constantinople, amitié du pape pour le patriarche Athénagoras et accueil fraternel d’autres chefs religieux. Mais Paul VI n’a pas négligé les Églises issues de la Réforme : les archevêques de Canterbury Ramsay et Coggan se sont succédé au Vatican; le pape a honoré le siège du Conseil œcuménique de sa visite. Nul ne saurait imaginer, après cela, un programme pontifical dépourvu de toute note unitaire: les messages inauguraux de Jean-Paul Ier puis de Jean-Paul II l’ont démontré.

Mais ces incontestables manifestations de vitalité comportent leur envers. La généralisation du mouvement entraîne sa banalisation: presque unanimement admis, l’œcuménisme ne soulève plus l’enthousiasme de foules paroissiales au sein desquelles l’amélioration sensible des relations interconfessionnelles a quelque peu anesthésié la hantise de l’unité. Au sein de la hiérarchie, la politique du sourire masque trop souvent une préférence pour le statu quo. Paul VI n’a-t-il pas rappelé à ses hôtes genevois qu’il était Pierre et n’entendait, en conséquence, brader aucune des positions romaines? Surveillé de près par un traditionalisme renaissant, il a reçu le renfort inattendu de plusieurs des inventeurs de ce qu’on appelait l’«œcuménisme catholique» entre 1930 et 1960: ces gardiens de la ligne conciliaire ont tendance à freiner l’ardeur d’héritiers dans lesquels ils ne se reconnaissent plus. Ainsi sont apparues des frictions et une viscosité qui s’est accrue dans les dernières années de la décennie 1970: après avoir créé l’événement vis-à-vis de l’orthodoxie en particulier, Rome a progressivement sombré dans l’immobilisme. C’est ainsi qu’ont été vite crevés les ballons d’essai sur l’éventualité d’une adhésion catholique au Conseil œcuménique et que les accords entre théologiens, souvent critiqués en haut lieu, demeurent lettre morte, faute de ratification ecclésiale.

Le chemin qui mène de la ferveur à l’indifférence et à l’enlisement se décompose en deux étapes aisément repérables. Le grand élan créateur ne survit guère à la constestation brutale des années 1968-1970, une contestation anti- ou contre-institutionnelle (intercommunions «sauvages», commandos percutants, etc.) qui connaît ensuite les mêmes déboires que son objet. Beaucoup plus sûrement, les atermoiements ecclésiastiques provoquent au cours des années soixante-dix une lente retombée, voire un certain désenchantement. Et il faut les violentes diatribes de Mgr Lefebvre contre la «contagion protestante» pour resserrer autour de l’œcuménisme bien des énergies défaillantes, à commencer par celle des évêques, qui n’en multiplient pas moins les conseils de prudence.

D’un point de vue sociologique, le parcours s’est accompagné de mutations importantes dans la «base» du mouvement. Ce que l’œcuménisme a gagné en surface, il l’a parfois perdu en pugnacité. Front pionnier vers 1965, il attirait de jeunes prêtres et des militants pour lesquels il est aujourd’hui «dépassé» par l’engagement commun sur les chantiers temporels. On assiste alors à un vieillissement des troupes, à l’influence croissante des religieuses et à un retour consécutif à des activités plus spirituelles ou humanitaires (Amnesty international, Action des chrétiens pour l’abolition de la torture: A.C.A.T.). Parallèlement, et sans volonté explicite de transgression, la communion s’approfondit au sein des groupes de «foyers mixtes», des cellules théologiques, des cercles gravitant autour de Taizé et du renouveau charismatique. Jeunes ou moins jeunes, tous y transcendent spirituellement les ruptures. Mais anticipent-ils l’Église réconciliée ou bien ébauchent-ils une nouvelle «confession œcuménique»? Il est impossible que le décalage entre le fer de lance du mouvement et la hiérarchie à propos des accords conclus ne suscite pas la question.

Autrement dit, si l’on prend pour référence le catholicisme moyen des années trente, le bond en avant œcuménique se révèle considérable; mais si l’on considère les espoirs conçus depuis 1964, on a plutôt l’impression d’un piétinement.

À cet égard, le pontificat de Jean-Paul II apparaît ambigu. Certes, les gestes de bonne volonté ne manquent pas, tant vis-à-vis de l’Orient (ouverture du dialogue théologique) que de l’anglicanisme (voyage du pape outre-Manche) et de la Réforme (commémoration luthérienne à Rome en 1983). Mais le retour d’une certaine papolâtrie et le vent de restauration qui souffle du Vatican en matière disciplinaire, morale et doctrinale inquiètent nombre de chrétiens et de communautés non catholiques.

5. L’évolution récente du Conseil œcuménique des Églises

Le Conseil œcuménique des Églises a subi, pour sa part, le contrecoup du piétinement postconciliaire. Certains de ses responsables avaient été des membres très actifs du Groupe mixte de travail, commission commune au Conseil œcuménique des Églises et à l’Église catholique. En 1971, ce groupe rédigea un document envisageant les modalités concrètes d’une participation de l’Église catholique au Conseil œcuménique. Rome refusa ce texte, suggérant qu’un rapprochement plus étroit à la base était nécessaire avant de franchir une nouvelle étape au sommet. Par ailleurs, on constate un ralentissement dans la création d’Églises protestantes unies. Le Conseil œcuménique des Églises en est venu à souhaiter arriver à une «communauté conciliaire» d’Églises locales qui soient étroitement liées les unes aux autres et qui reconnaissent mutuellement la validité de leurs ministères. Cet objectif apparaît plus ou moins lointain suivant les régions et les nations.

De fait, le Conseil œcuménique des Églises reste une association d’Églises non romaines. Certains critiquent son caractère quelque peu bureaucratique (cf. tableau).

Alors que le rapprochement confessionnel avance à petits pas, la dimension politico-sociale du témoignage chrétien prend une importance de plus en plus grande. Ainsi, Foi et constitution, organisme chargé d’étudier les problèmes strictement théologiques, s’est occupé des rapports des Églises et de l’État (Bossey, Suisse, 1976). Dès la Conférence de Bangkok (déc. 1972-janv. 1973), organisée par Mission et évangélisation, il avait d’ailleurs été indiqué que toute théologie est «contextuelle», c’est-à-dire enracinée dans un contexte culturel et politique qui la marque. L’évolution de la théologie en Occident le montre. Les tentatives d’«élaborations théologiques autochtones» des Églises du Tiers Monde sont ainsi encouragées, même si certains Européens craignent que cela n’entraîne des risques de syncrétisme.

Une telle optique suscite des oppositions qui, actuellement, se cristallisent autour du Programme contre le racisme. Chaque année, une aide financière est attribuée aux «organisations qui luttent contre le racisme plutôt qu’aux services sociaux qui s’efforcent d’en réduire les effets». En Afrique, bénéficient notamment de ces dons la S.W.A.P.O., ou mouvement de libération de la Namibie, comme en a bénéficié le Front patriotique du Zimbabwe avant le règlement du problème rodhésien. Ces affectations ont suscité de vives réactions, notamment au sein d’Églises allemandes, suisses, hollandaises, américaines. Intervention politique, a-t-on dit. Certes, mais intervention religieuse également, car le Conseil œcuménique des Églises se démarque ainsi des pratiques d’apartheid des Blancs d’Afrique du Sud, qui se réclament eux aussi du christianisme. Il s’agit pour le Conseil œcuménique des Églises de ne pas «perdre» les Noirs d’Afrique australe, comme on pense que les Églises ont perdu, au XIXe siècle, la classe ouvrière en cautionnant l’ordre social établi. Notons que le Programme a distribué trois millions de dollars en huit ans alors que la Commission d’assistance aux réfugiés a dépensé trente-huit millions de dollars pour la seule année 1977.

De nouvelles préoccupations apparaissent au sein du Conseil œcuménique des Églises: défense de l’environnement et utilisation de l’énergie nucléaire (Église et société: Bucarest, 1974; Sigtuna, Suède, 1975 et, en juillet 1979, la conférence «Foi, science et avenir» à Boston, qui a demandé un moratoire de cinq ans pour la construction de toute nouvelle centrale nucléaire), lutte contre les diverses formes de discrimination que subissent les femmes (Berlin, 1974; création d’une Conférence œcuménique des femmes d’Europe).

L’ensemble de ces questions a été discuté lors des Assemblées générales de Nairobi (nov.-déc. 1975) et de Vancouver (juil.-août 1983). À Nairobi, des représentants orthodoxes ont regretté l’importance prise par les problèmes politico-religieux au détriment de la réflexion strictement théologique. Par ailleurs, certains ont reproché à la direction du Conseil œcuménique des Églises de ne pas se montrer assez ferme dans la dénonciation des atteintes aux droits de l’homme en U.R.S.S. L’élection du métropolite Nicodim († 1978) de l’Église orthodoxe russe à la coprésidence n’a pas fait l’unanimité. Depuis lors, le Conseil œcuménique des Églises a tenté de modifier sa position en faisant campagne pour le respect des accords d’Helsinki. L’Assemblée générale de Vancouver a marqué, pour certains, un retour à une spiritualité plus vive. Cependant, la déclaration sur l’Afgh nist n a dû, étant donné l’attitude de l’Église orthodoxe russe, prendre un ton modéré qui contraste avec celui qui a été adopté à propos de l’Afrique du Sud ou de l’Amérique centrale. Devant un tel

déséquilibre, beaucoup se demandent si le Conseil œcuménique des Églises ne devrait pas s’abstenir, durant un certains temps, de déclarations publiques, tout en intervenant auprès des gouvernements en faveur de la justice.

Après deux phases assez exaltantes, celle des pionniers puis celle de la mise en mouvement des appareils, le dialogue œcuménique traverse une troisième phase, où les acquis sont consolidés et où les difficultés qui restent et les nouveaux problèmes qui surgissent apparaissent au grand jour. Il peut en résulter un certain enlisement ou, à terme, un nouveau souffle.

6. Institutions et événements

Ainsi, c’est la réussite même du mouvement œcuménique qui a provoqué une série de réactions dont l’ampleur et la virulence vont sans cesse croissant: il n’est pas douteux, en effet, que l’institutionnalisation de l’œcuménisme s’est faite aux dépens de l’audace et de la vision originelles. Le dialogue officiel solidifie deux appareils symétriques pesants qui se confirment réciproquement; la collaboration active et féconde a pour contrepartie le développement de rapports de puissance à puissance, la mise en œuvre d’une diplomatie subtile et, surtout, le ralentissement de la marche vers une unité réelle.

Aussi, constatant le retard croissant pris par l’œcuménisme par rapport aux espoirs qu’il avait suscités et auxquels succède ici et là une lassitude amère, refusant ce qui peut apparaître comme le meilleur moyen trouvé par les institutions conservatrices pour assurer leur persistance en évitant toute remise en question sérieuse, dénonçant un certain œcuménisme comme facteur d’intégration des chrétiens aux différentes formes de l’ordre établi et comme agent de l’étouffement des contestations prophétiques, une opposition se dresse au sein de toutes les confessions et Églises. Elle est très souvent le fait de groupes informels, soucieux de traduire dans des prises de position risquées les implications sociopolitiques de l’Évangile et d’aller vers l’«Église de demain» en ignorant délibérément les défenses et prudences officielles: convaincus que c’est l’«orthopraxie» (façon correcte d’agir) et non l’«orthodoxie» (façon correcte de penser et de croire) qui conduira à l’unité, ils s’engagent avec bon nombre de partenaires non chrétiens dans les combats révolutionnaires pour toutes sortes de libérations sociales et nationales et font une lecture théologique de l’histoire contemporaine à la lumière de leur action et des textes scripturaires. Mettant radicalement en cause le cléricalisme, ils réclament des pasteurs qui soient des hommes vrais (liberté de se marier, d’avoir une profession, d’adhérer à un parti politique); tout naturellement, ils pratiquent régulièrement l’«intercommunion» ou célébration eucharistique entre personnes de confessions différentes.

Sans aucun doute, cet œcuménisme «séculier», c’est-à-dire enraciné à travers le Christ dans la réalité concrète du monde et se voulant tout entier au service de ce dernier, a retrouvé de façon surprenante et significative la dynamique originelle du mot et de l’existence œcuméniques. L’œcuménisme officiel, né d’une renaissance de la conscience apostolique des différentes Églises mais fréquemment restreint à la dimension d’intérêts institutionnels paralysants, ne saurait ignorer longtemps la formidable interpellation et la promesse d’avenir représentées par cette sorte d’œcuménisme «sauvage».

Un tournant nouveau a été pris en 1978, lors de l’élection du cardinal polonais Karol Wojtyla au pontificat romain, sous le nom de Jean-Paul II. Persuadé que l’avenir du christianisme est lié à sa capacité d’affronter le communisme international, le nouveau pape n’a pas tardé à tout mettre en œuvre pour rétablir les normes d’uniformité d’une unité catholique dans la stricte obédience aux épiscopats et, par eux, au magistère romain. Cela n’a pas tardé à produire des durcissements qui ont rejeté sur des positions trop souvent négatives non seulement les protestants (par exemple, à l’occasion de la note sur l’«hospitalité eucharistique» de la commission épiscopale française pour l’unité des chrétiens, printemps 1983), mais encore les chrétiens d’origines diverses engagés dans les luttes pour la libération des opprimés.

Trois témoignages peuvent illustrer, à propos de l’œcuménisme, la diversité des attitudes possibles ainsi que celle des significations qu’on donne à l’union ou à la désunion présente entre les chrétiens.

W. A. Visser ’t Hooft (1960): «Il ne peut être question de voir dans notre unité actuelle au sein du mouvement œcuménique l’unité à laquelle Dieu appelle son Église; tant que cœxisteront des Églises séparées, non seulement par leur variété (ce qui est naturel), mais aussi par leurs divergences et désaccords, elles contrediront à la vérité essentielle, à savoir que l’Église du Christ est une. Nos relations œcuméniques actuelles manifestent notre unité, mais les formes visibles de notre vie ecclésiastique la dissimulent.»

Père A.-M. Couturier (1962): «J’aimerais écrire un jour une apologie de nos divisions. Le monde entier nous dit: «Vous étiez si divisés...» Mais quoi, nos divisions étaient graves de la gravité même de nos convictions [...] Des gens peuvent être divisés par de très grandes choses et d’autres s’unir étroitement pour des intérêts misérables: union et division valent finalement ce que vaut la cause qui réunit ou divise et doivent donc être d’abord jugées sur elle, quelque prix qu’il faille payer par ailleurs.»

Déclaration finale d’une assemblée œcuménique de groupes informels (1970):

«Dans notre lutte pour le socialisme, nous dénonçons une Église – catholique ou autre – particulièrement active dans notre pays comme dans beaucoup d’autres par la pression qu’elle exerce sur les mentalités au nom de la Foi, d’une morale chrétienne ou d’une doctrine sociale [...] Elle contribue ainsi à maintenir des institutions sociopolitiques et militaires qui lui conservent ses privilèges et que nous refusons. Nous croyons en Jésus-Christ. Il est là, le Dieu vivant, dans toutes les luttes menées pour la libération des hommes. Il est joie pour nous qui l’y reconnaissons! [...] Sur cette voie, nous rencontrons tous ceux qui cherchent à construire une société plus juste et plus fraternelle.

Le fait de le dire ensemble a déjà pour nous valeur d’Église...»

œcuménisme [ ekymenism; øky- ] n. m.
• 1927; de œcuménique
Relig. Mouvement favorable à la réunion de toutes les Églises chrétiennes en une seule.

œcuménisme nom masculin Mouvement qui préconise l'union de toutes les Églises chrétiennes en une seule. Littéraire. Tendance idéale à vouloir l'union entre toutes les personnes professant des idéologies différentes.

œcuménisme [ekymenism] n. m.
ÉTYM. 1927; de œcuménique.
1 Relig. Mouvement favorable à la réunion de toutes les Églises chrétiennes en une seule.
2 Littér. || Œcuménisme universitaire.
1 À regarder les belles salles d'opérations et de radiographie, j'ai eu le sentiment une fois de plus que l'œcuménisme technique est désormais une œuvre acquise.
G. Duhamel, la Turquie nouvelle, IV, p. 109.
2 La philosophie doit fonder la technologie, qui est l'œcuménisme des techniques, car pour que les sciences et l'éthique puissent se rencontrer dans la réflexion, il faut qu'une unité des techniques et une unité de la pensée religieuse précèdent le dédoublement de chacune de ces formes de pensée en mode théorique et mode pratique.
Gilbert Simondon, Du mode d'existence des objets techniques, p. 162.
DÉR. Œcuméniste.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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